vendredi 17 octobre 2014

Charmant poignard, jaillis de ton étui !

Le Clavier Cannibale suspend lâchement ses activités jusqu'au 3 novembre. Mot d'excuse: une énième relecture du livre achevé, livre commencé il y a deux ans et demi.
Finir un livre reste à inventer. Comment finir? L'écriture du livre ne s'achève évidemment pas à la dernière page, puisque le travail de l'écrivain va et vient d'un chapitre à l'autre. Il ne s'agit donc jamais de mettre un point final mais d'apprendre à s'absenter progressivement de chaque paragraphe, chaque page.

Comment sait-on qu'une page est finie? On ne le sait pas, car elle n'est pas finie, et l'on peut toujours intervenir dessus, y injecter de nouvelles intensités, en retrancher des excroissances, tordre une virgule… Mais pourtant, il faut en finir. Quelque chose dans l'aventure du livre en cours nous informe que le texte est arrivé à terme, qu'il approche d'une maturité. Sa fin, qui était là depuis le début, s'est déplacée, et a fini par trouver la possibilité de son équilibre. Comme si à un certain moment on franchissait sans s'en rendre compte un point de non retour. On comprend alors: le livre est fini. Mais c'est une étrange finitude. Le texte cherche à vous congédier. Le ciment est en train de prendre – il ne vous reste plus beaucoup de temps pour les "repentirs". Il va donc falloir apprendre à finir, à éprouver une nouvelle fois ce soulagement inquiet qui accompagne la mise à distance du texte. 

Mais si finir un texte reste perturbant, c'est sans doute aussi parce que, dans le geste de clôture, s'agite déjà un geste d'ouverture. Un autre livre remue dans l'ombre. Et peut-être est-ce lui qui appelle à terminer, peut-être est-ce sa promesse qui pousse à arrêter d'échouer mieux sur le livre en cours. Toutes les difficultés affrontées sont alors traversées par une joie secrète: quand le livre fini paraîtra, on sait qu'on sera déjà ailleurs. "Actuellement en déplacement": telle pourrait être la devise de celui qui écrit.

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