lundi 21 avril 2014

Le naufrage des incipits (6)


Ça a débuté comme ça. Moi, j’avais jamais rien dit. Rien. Et pour cause : j’étais muet. La faute à qui ? Au destin, me direz-vous. Aux gènes des parents, je vous répondrai. Mais de toute façon, même si j’avais pu parler, je n’aurais pas dit grand-chose. Causer ne m’intéresse pas, et pas seulement parce que cette fonction m’est interdite. J’ai la tête vide, vide comme un sac après qu’on en a extirpé le chaton qu’on a fracassé contre le mur de la remise. C’est comme ça. En revanche, si j’ai la tête vide, j’ai le cœur plein. Je ne suis qu’amour. Et ça m’a rendu de grands services quand il a fallu partir à la guerre. En outre, je suis sourd, ce qui, croyez-moi, est un sacré avantage quand un obus explose à trois mètres de vous. Evidemment, ma cécité me joue des tours, mais moins que mes jambes qu'aucune prothèse ne semble pouvoir remplacer.

1 commentaire:

  1. J'adore tous ces naufrages.... c'est une bonne idée.... les plus simples, souvent les meilleures... et puis c'est d'une certaine façon inépuisable

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