vendredi 28 février 2014

WTF?

Cher Gaétan,

Merci d'avoir pris soin de mon blog. Grâce à toi, j'ai plein de nouveaux amis. Mais tu sais quoi? Va mourir.
Cordialement,
Claro

Gaétan Mouret fait ses adieux à vous

Bonjour, c'est moi Gaétan Mouret et c'est la dernière fois que je vous parle par ce blog car je sais que ce salaud de Claro va revenir et m'empêché de piraté son conte. C'est donc ma dernière chance de vous touché au fon du cœur et de vous faire part (sans tiret, quoique…) de l'immense chagrin qui m'étrains ce matin (eh oui, la poésie et ses rimes ne me quitte pas, même quand je suis au plus bas!). Je voulai vous dire simplement ceci: parfois dans la vie on traverse des périodes difficile, on croie qu'on touche le fonds, que tout va faire tout sauf s'arrangé et qu'il faudra se résoudre bientôt à quitter ce monde comme un gros corbau qui s'envole dans le ciel noir de la tristesse. mais non, l'espoir existe et je voudrais y croire. Même si Dieu n'existe pas vraiment et que peut-être nous allons un jour être de la cendre au fonds de la terre où les démons de la noirceur rongent les asticots du malheur, même si l'amour n'est qu'une pute à quarante euros la pipe dans une impasse de ville borgne comme disait Houellebecq, même si tes parents font semblant de t'aimer et n'ont qu'une envie, t'éventrer la gorge, eh bien ne perds pas espoir, surtout ne perds pas espoir. la vie est un mistère et on peut toujours voir un sourire derrière les nuage qui galoppent dans le ciel. je te connais, lecteur, mon frère, mon cousin, toi aussi tu as parfois des pensées noires comme des corbaux qui s'envolent dans le ciel sombre de la tristesse infini, mais relève la tête, secoue les puces de la déppression et mord la vie à belles dents, (tant pis pour les caries, hi hi hi), accroche-toi, le temps du bonheur peut revenir, je le sais, même si actuellement c'est franchement pas drôle pour moi, je me roule dans la boue du regret, je mâche des asticots de détraisse, c'est un supplice de gallérien, tu peux me croire, je suis seul, j'ai l'impression d'être un quai de RER le soir quand rodent les voyous en capuche, mais tu vois, je ne baisse pas les bras, je crois à un demain qui sera peut-être un après-demain, parce que l'espoir fait vivre, c'est un dicton mais il y a du vrai dedans, je le sais. Adieu, lecteur éphémaire de ce blog piraté, ton vieux pirate de Gaétan Mouret te salut et t'embrasse, je pars, je m'en vais, d'autres aventures m'attendent dans cette France qui comme moi relève la tête et débaisse les bras. et comme je ne suis pas ingrat malgré mon état pas très reluisant, je te donne ce dernier poème, puisse-t'il t'aider à éviter les noirs corbaux de la déppression qui cherchent à nous donner des cous de bec le soir quand les rires s'éteignent dans les yeux de ces enfants que nous avons été quand nous étions plus jeune. oui, à toi ce poème, que j'ai puisé au fond de mon désarroi pas toujours drôle (pas trop lol, hélas):

J'irai au bout de mes rêves
Tout au bout de mes rêves
J'irai au bout de mes rêves
Où la raison s'achève
Tout au bout de mes rêves
J'irai au bout de mes rêves
Tout au bout de mes rêves
Où la raison s'achève
Tout au bout de mes rêves

Adieu — :-(

jeudi 27 février 2014

Cauchemards

Bonjour, c'est Gaétan Mouret. Ces derniers temps, ça n'a pas été facile pour moi. J'ai dû expliquer à des gens que je ne connaissais même pas les raisons de mes actes et promettre de ne pas recommencer. Je fais des cauchemars toutes les nuits. J'entends des voix. Cette nuit, après avoir regardé un peu trop la télévision, pourtant c'était Busnel que j'aime beaucoup et qui parlait si bien des livres qu'on doit lire, j'ai fait le plus horrible cauchemar de la terre, j'étais enfermé dans une pièce, attaché par des chaînes rouillées à une chaise genre chaise électrique mais qui n'était pas branchée et un homme nu complètement tatoué s'approchait de moi et me disait à l'oreille avec la voix d'un étranger qui n'est pas né en France: "— au bas du Ferkous, sous l’éperon chargé de cèdres calcinés, orge, blé, ruchers, tombes, buvette, école, gaddous, figuiers, mechtas, murets tapissés d’écoulements de cervelle, vergers rubescents, palmiers, dilatés par le feu, éclatent : fleurs, pollen, épis, brins, papiers, étoffes maculées de lait, de merde, de sang, écorces, plumes, soulevés, ondulent, rejetés de brasier à brasier par le vent qui arrache le feu, de terre ; les soldats assoupis se redressent, hument les pans de la bâche, appuient leurs joues marquées de pleurs séchés contre les ridelles surchauffées, frottent leur sexe aux pneus empoussiérés ; creusant leurs joues, salivent sur le bois peint…"
Je me suis réveillé plein de sueur et j'ai dû doubler la dose de mes médicaments. J'aurais bien aimé vous offrir un nouveau poème mais je n'ai pas trop le moral et je dois me reposé

mercredi 26 février 2014

Erotisme et pronographie



 …


"L'érotisme, c'est la chair.
La pornographie, c'est la viande." (Gaétan Mouret,  in Erotisme et pornographie, édition du Lendemain)

lundi 24 février 2014

Du nouveau dans l'affaire Gaétan Mouret

AFP — Hier, un jeune homme du nom de Gaétan Mouret a été appréhendé par la police alors qu'il tentait d'escalader la tour Eiffel. L'incident s'est clos assez rapidement et la police, qui avait cru au départ à une tentative de suicide, a été assez "décontenancé", pour reprendre le terme du brigadier Gérald, par les raisons ayant motivé ce geste somme toute dangereux. Le dénommé Mouret a en effet affirmé qu'il voulait juste déclamer aux Parisiens et aux Japonais un poème dans lequel il exprimait "son chagrin de vivre". Le poème, retrouvé à trois kilomètres du Champ de Mars (il y avait de forts vent d'ouest ce jour-là) a été publié depuis dans de nombreux journaux nationaux et régionaux. Nous en donnons ici un court extrait:

Ouvre la fenêtre sur le ciel,
tu verras deux étoiles
l'une à côté de l'autre
se sont mes yeux qui te garde
en te souhaitant bonne nuit.
Sur les ailes des papillons colorés
je t'envoie des roses parfumées
sur lesquelles j'ai tatoué en lettres diamantées:
BONNE NUIT MON ANGE!

vendredi 21 février 2014

Où je vous parle de choses que j'ai vues et aimées aussi

Bonjour les gens ! C'est Gaétan Mouret, l'homme qui a piraté le blog de Claro. Vous êtes de plus en plus nombreux à m'apporter votre soutien et ça me fait chaud au cœur. Bien sûr, j'ai aussi reçu des messages de gens qui ne comprenaient pas ma poésie et qui m'ont même insulté. C'est moche. Je trouve que le respect se perd, comme les bonnes manières. Je tiens à dire à ceux qui se sont montrés irrespectueux avec moi que je ne leur en veux pas, mais que peut-être ils ont un problème. On a le droit de dire ce qu'on veut, parce qu'on est en France, mais il y a des limites qu'on ne doit pas franchir, on appelle ça aussi des bornes. Hier je suis allé au cinéma et j'ai vu Guillaume et les garçons à table, ça m'a bien fait rire, Guillaume est une tapette plutôt sympa qui apprend à s'assumer et au moins il est rigolo, il a de la dérision. Je trouve sa mère très courageuse, aussi. Je n'ai pas trop aimé la scène où une infirmière sexy lui met un tuyau de lavement dans le derrière, mais bon, je me choque peut-être trop facilement. J'ai aussi regardé Busnel à la télévision et une fois de plus j'ai été épaté – c'est le mot – par son talent, sa verve, son sens des analyses et sa politesse avec ses invités. J'espère qu'un jour, si jamais je suis publié, je passerai dans son émission, il a l'air vraiment sympathique et compréhensif. C'est bien que des gens comme lui défendent la littérature et les livres. Voilà, comme je n'ai pas vraiment d'autre chose à vous raconté je vais vous faire part (sans trait d'union!!!) d'un nouveau poème que je viens d'écrire. S'il vous plaît, likez-le à votre façon, dans votre cœur:

si je savais chanter
j'inventerai mille mélodies
pour te chanter et te charmer
mais je ne sais que t'aimer
Malgré la distance,
C'est à toi que je pense,
Un peu plus tous les jours,
Je te vois dans mes bras,
Malgré la distance,
C'est à toi que je pense,
Un peu plus tous les jours,
Je nous vois tous les deux!


Bisous à tous !

L'amérique est un rêve!

Bonjour les gens ! C'est Gaétan Mouret, l'homme qui a piraté le blog de Claro. J'aime beaucoup la littérature américaine, celle des grands espaces, des ranches, des ruisseaux vifs et des grands ciels plein d'orage. C'est un pays que je ne connais pas mais à la fois j'ai l'impression de très bien le connaître par les livres qui en parlent. C'est un pays donc où les passions se déchaînent, où les animaux sont souvent encore sauvages, on boit, on se bat, et les femmes ont de temps en temps des caractères forts, ce qui n'empêche pas de les rendre attrayantes. Bon, bien sûr, le temps des cowboys est révolu, mais on peut quand même vivre le rêve américain aux Etats-Unis et ça je trouve que c'est bien. J'ai lu l'autre jour un roman formidable mais "dsl" je me rappelle plus le titre. En tout cas c'était très chouette et après j'ai rêvé que je pêchais les jambes dans l'eau et qu'un étalon fou faisait des ruades au-dessus de moi, c'était beau et à la fois terrifiant, je suis sûr que vous comprenez ce que je veux dire. Je vous laisse mais avant bien sûr un poème parce que l'amour nous rapproche même s'il nous faut aussi parfois souffrir:

Je t'envoie un chèque de 1000 bisous
tu peux le retirer dans la banque d'amour
qui se trouve dans le quartier de mon coeur
sur le code je t'aime a la folie
Tu es rechercher par la police d'amour
accusée d'avoir volé mon coeur.
Tu ne seras libéré q'après avoir payé une
amende de 1000 bisous.

Très beau week-end à tous et à lundi – moi aussi j'ai une vie, hein (:-)

jeudi 20 février 2014

Pourquoi l'écriture c'est dès fois dur (pfff)

Bonjour ! C'est Gaétan Mouret, le nouveau "proprio" du blog de Claro, qui doit pas être très content que j'ai piraté son blog pourri. Tant pis pour lui ! Je vais vous parler aujourd'hui de mon rapport à l'écriture, cette chose forte qui parfois ébranle. Mes amis proches savent que j'écrive. Je leur lis de tant en tant les poèmes que j'écris au fil de mon cœur et dès fois aussi ce sont des proses un peu plus ambitieuses, que j'appelle récits-poèmes, et où je laisse libre cours à mon imagination. Quand vous écrivez, vous êtes un peu seul, ça vous met à part, mais aussi ça peut attirer l'attention, car les gens comprennent que ce n'est pas facile de mettre dans le papier les choses qu'on a enfoui au fond de toi. J'écris pour essayer de mieux comprendre la personne que je suis, celle que j'ai été et aussi celle que je serai un jour, toujours. Ecrire, c'est comme un cri qu'il faut polir. Dès fois le mot juste te vient et alors tu as de la joie. Mais d'autre fois tu n'y arrives pas et alors tu ressens une tristesse qu'il n'est pas facile de communiquer par écrit. J'écris sur les choses vraies, les choses simples, celles qui me touchent à nu dans mon être. Voici un poème que je vous donne à lire, tout simplement:

J'ai tout, sauf toi, donc je n'ai rien,
car tu es tout pour moi!
Je pense que tu penses que je pense à toi,
cette pensée me fait penser que tu penses à moi,
alors je pense à toi en pensant
que tu penses à moi mon trésor.

Bonne journée à tous! Demain on essaiera d'être un peu moins mélancolique (lol…).

mercredi 19 février 2014

Les familles aussi sont belles

Aujourd'hui votre serviteur – Gaétan Mouret, l'homme qui a piraté le blog débile de Claro – va vous parler de politique. Oui, car c'est un sujet important, et en un certain sens on pourrait dire que la politique est partout, qu'elle imprègnes nos vies, un peu comme l'air imprègne l'atmosphère. Prenez par exemple ces histoires de mariage entre personnes du même sexe (c'est comme ça qu'il faut dire). Je n'ai rien contre les pédés mais je trouve qu'on ne peut pas tout avoir en même temps. Ils ont déjà le Pax et pas mal d'avantages alors bon, mollo les filles, j'ai envie de dire. Le but est quand même pas de foutre en l'air (excusez ma vulgarité accidentelle) la famille. Les gamins ont besoin de vivre dans un milieu équilibré, avec une mère présente et un père qui, bien que travaillant beaucoup, sait aussi jouer avec eux un petit moment. La France est, quoi qu'on en dise, un beau pays, c'est le pays des libertés, et je trouve que même les humoristes étrangers ont le droit de dire ce qu'ils pensent.
Voilà mes pensées du jour. Avant de se quitter, un petit poème que j'ai écrit ce matin et qui, bien que sans prétention, pourra peut-être vous plaire…

Ma tristesse est pleine
Car sans te voir je ne suis rien
Mon destin ait de ne jamais t'oublier
Même si je ne te reverais jamais.
J'ai tout, sauf toi, donc je n'ai rien,
car tu es tout pour moi!

C'est un peu triste, je le reconnais, mais je suis comme tout le monde, j'ai parfois des "petits coups de blues", comme d'autres de pompe. Bises à tous!

mardi 18 février 2014

Le bonheur d'aimer, la souffrance de ne plus l'être

Aujourd'hui je me permets de reproduire ici un petit poème que j'ai écrit à propos d'un moment amoureux. L'amour, vous le savez, est un sentiment souvent fort qui dévaste tout mais peut aussi parfois apaiser nos soucis de tous les jours. Comme tout le monde, j'éprouve des sentiments, et j'ai dès fois l'impression d'être un personnage qui brûle des passions du cœur. Mais assez parlé de moi. (Moi, c'est Gaétan Mouret, l'homme qui a piraté le blog à la con de Claro et vous parle de vraie littérature). Assez parlé de moi, de ce que je pense, vis, ressens, éprouve, même si nos sentiments nous sont communs à tous et font qu'un pont de pensée et même parfois de chair relie les êtres qui pensent et vivent des vies pas toujours drôle. Donc voici mon poème, et j'espère qu'il vous plaira même s'il est un peu triste:

Tu es tellement encrée dans mon coeur
que quand je ferme les yeux
tu es la, je te vois, mais ce qui me manque
c'est de pouvoir te serrer contre moi.
Je t’annonce mon retour.
La distance me fait souffrir.
Je veux encore te sentir.
Près de moi pour te séduire,
Parce que mon cœur soupire.

Bon mardi à vous tous!!!

lundi 17 février 2014

Changement de direction

Bonjour, je m'appelle Gaétan Mouret et je profite de l'absence du paltoquet dénommé Claro pour pirater son blog de prétentieux et poster à mon tour des critiques lucides et franches. Comme moi, vous en avez peut-être marre des critiques absconses et élitistes que pond sans vergogne ce traducteur pisse-copie qui en plus se pique d'écrire. Marre de ses éloges lèche-cul de Chevillard, marre de ces livres minuscules publiés par de petits éditeurs besogneux, marre de ses réflexions d'intello débile sur les travers de notre temps, marre de ses coups de gueule qui ne sont souvent que des coups de pub déguisés pour sa pomme. Marre de ce mépris affiché pour les écrivains honnêtes qui font honnêtement leur travail. Je vais donc prendre le relais de ce germanopratin amphigourique, qui ne fonctionne que par renvoies d'ascenseurs, et vous parler de vrais livres, autrement plus lisibles. Aujourd'hui, je vous parlerai d'un de nos grands écrivains français: Jean D'Ormesson, dont je viens d'apprendre avec joie et bonheur qu'il allait – enfin! – être publié dans la Pléiade.
Jean d'Ormesson est aujourd’hui l’équivalent assez exact des grandes cathédrales gothiques. Son dernier livre tombe manifestement du ciel dans la mesure où il se présente d’abord comme un objet superlatif. Il ne faut pas oublier que le style de Jean d'Ormesson est le meilleur messager de la surnature: il y a dans son écriture à la fois une perfection et une absence d’origine, une clôture et une brillance, une transformation de la vie en matière (la matière est bien plus magique que la vie), et pour tout dire un silence qui appartient à l’ordre du merveilleux. L'œuvre de Jean d'Ormesson a tous les caractères (du moins le public les lui prête unanimement) d’un de ces chefs-d'œuvre descendus d’un autre univers. 
Voilà, c'est tout pour ce lundi. Je vous souhaite de belles lectures, de belles rencontres.

vendredi 14 février 2014

Blogus Interruptus…

Une fois de plus, ce fainéant de Clavier Cannibale suspend ses coupables activités pendant quelque temps, disons jusqu'au 3 mars. Au cas où vous ne sauriez pas quoi lire pendant les vacances d'hiver, je vous rappelle les titres de mes deux livres sortis tout récemment, à savoir Les souffrances du jeune ver de terre (Actes Sud/Babel n°100) et Cannibale Lecteur (éd. Inculte), et vous pouvez rajouter au panier ma dernière traduction, La Langue d'Altmann, de Brian Evenson (Cherche Midi/Lot 49). Sachez que ces trois ouvrages ne portent nullement atteinte aux bonnes mœurs, ne prônent pas la lutte des classes et sont garantis sans poil. Sachez aussi qu'il ne faut pas croire tout ce qu'on vous dit ici.
Je vous rappelle aussi que cette année la collection Lot 49 fêtera ses dix ans d'existence, avec entre autres la parution très attendue (en tout cas, par moi) de L'univers de carton, roman hilarant du génial Christopher Miller, et que nous éditerons également un catalogue fringant neuf plein d'inédits, avec entre autres un extrait du prochain roman de Paul Harding, Enon, traduit par Pierre Demarty.
A venir aussi, une lecture musicale le 11 avril aux Laboratoires d'Aubervilliers avec Olivier Mellano ("comment c'est/commencer:::un livre") dans le cadre du Bureau des Activités Littéraires, ainsi qu'une rencontre le 13 mars à la librairie Le Monte-en-l'Air sur l'invitation de Laure Limongi. 

Avant de vous quitter, Le Clavier Cannibale est heureux de vous offrir, !!!gratuitement!!! et !!!sans engagement de votre part!!!!, ce très beau poème de l'immortel Jean de La Fontaine, qui nous n'en doutons pas saura égayer vos fins de journée :
"Aimons, foutons, ce sont plaisirs
Qu'il ne faut pas que l'on sépare;
La jouissance et les désirs
Sont ce que l'âme a de plus rare.
D'un vit, d'un con et de deux cœurs,
Naît un accord plein de douceurs,
Que les dévots blâment sans cause.
Amarillis, pensez-y bien :
Aimer sans foutre est peu de chose
Foutre sans aimer ce n'est rien."



Saint-Valentin et fatwa

Le 14 février n'est pas que la fête des amoureux (puissent-ils vivre longtemps et forniquer en toute liberté, à poils ou pas). Non, le 14 février, c'est surtout le jour, de sinistre mémoire, où fut lancée la fatwa contre l'écrivain Salman Rushdie. C'était en 1989, l'année de la chute du mur, du naufrage de l'Exxon Valdes, de la mort de Hirohito et de Beckett.
Ce jour-là, donc, l'exécution de Salman Rushdie – ni plus ni moins – était exigée sur Radio Téhéran par l’ayatollah Rouhollah Khomeini, guide de la révolution de l’Iran. Une fatwa, on le sait, est en principe un "avis juridique", mais elle devint de facto un appel au meurtre. Assorti d'une prime, une prime qui est passée en 2012 à 3,3 millions de dollars, soit une augmentation de 500 000 $ – dixit Hassan Sanei, le dirigeant de la fondation qui offre la prime en question. On est loin du pays des bisous, même si saint Valentin, ne l'oublions pas, fut roué de coups et décapité…
Rappelons également que la fatwa ne peut être abrogée et qu'elle concerne également les éditeurs et traducteurs de Rushdie – son traducteur japonais a été assassiné, son traducteur italien et son éditeur norvégien grièvement blessés. Je me souviens avoir croisé Rushdie lors de la parution en France de Furie, que j'avais traduit pour les éditions Plon. C'était après le 11 Septembre. Je lui ai demandé s'il se sentait toujours aussi menacé, et il m'a dit: "Un peu moins, dans la mesure où maintenant nous sommes tous sur leur liste." Puis il m'a parlé de Pynchon, avec qui il avait dîné. On trouve dans Les Versets sataniques la phrase suivante : "Quand la superstition entre par la porte, le bon sens se sauve par la fenêtre." Plus que jamais, évitez les courants d'air.

jeudi 13 février 2014

La dérive des coïncidences: viva da Silva

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De quoi s'agit-il encore? vous demandez-vous en ce gris et impair jeudi 13 février 2014 de l'ère chrétienne. Vous avez raison de vous méfier, et une fois de plus le Clavier Cannibale est là pour répondre à vos attentes et soulager vos maux, alors ne refermez pas votre porte, et permettez que nous vous causassions littérature.

Vous connaissez Didier da Silva? Vous feriez bien. Pourquoi? Oh, mais vous en posez des questions, aujourd'hui! Bon, Didier da Silva est un écrivain qui vient de commettre cent cinquante pages cousues d’un fil qui bien que d’or est aussi d’Ariane, cent cinquante pages que le lecteur que vous êtes va, en minotaure captif et consentant, suivre patiemment et fiévreusement dans ce labyrinthique (et concentrique) piège qu’est L’ironie du sort, cinquième livre de Didier da Silva, auteur précédemment publié par LaureLi. Voilà. Je peux entrer, maintenant?

Si vous aimez le travail du furibond Handschin ou de l'inclassable David Markson, si l'immense Invention du monde d’Olivier Rolin occupe encore vos pensées, si vous avez trépidé à la lecture de Nocilla Dream de Agustín Fernández Mallo, alors il y a de fortes chances pour que L’ironie du sort vous apporte une jouissance semblable – et si vous aimez Chevillard, vous allez grimper au plafond en poussant des cris d'aspirateur à malice. Cela dit, si vous n’avez rien lu des auteurs et livres précités, lancez-vous sans hésiter dans ce livre pneumatiquement retors qui ne cesse de renaître de ses courts-circuits. C'est un livre où le marabout tire les ficelles, un livre composé, caracolant, conscient.
Fonctionnant sur le principe des concomitances (chronologiques, géographiques, nominales, métaphoriques, etc.), L’ironie du sort profite du réseau des hasards et coïncidences pour raconter le fatras sanglant du monde, et plus particulièrement du réel pris entre ses deux pôles extrêmes, la mort et la création : nous sont ainsi narrés divers destins, d’assassins ou de créateurs, la part belle étant donnée à la musique et au cinéma, ainsi bien sûr qu’aux écrivains. Schwob, Walser, Bloy, Satie, Stendhal, Philip K. Dick, Cortazar, Benjamin Constant et bien d’autres s’y improvisent personnages d’un récit qui sans cesse file entre les doigts du lecteur, puisqu’ici tout n’est qu’agonie, échecs, incendies, meurtres, explosions, coulées de boue, ruines de stuc, fusillades, maladies – ce qui n’empêche pas les épiphanies et les montées de lait. L'histoire? Oh, vous savez, les phrases ont d'autres objets en tête. Sachez juste que le coq y devient âne, et l'aléatoire nécessité. Da Silva ne joue pas à la marelle, il fabrique la marelle et vous jette dedans. Alors débrouillez-vous. Lire, de toute façon, c'est se débrouiller, non?

D’entrée de jeu, l'auteur donne le la en évoquant le film d’Hitchcock, La Corde, faux plan unique où les raccords sont escamotés par des dos qui passent devant l'objectif :  on pourrait donc lire L’ironie du sort en guettant les raccords, en levant l'œil de cette caméra obscure qu'est notre vigilance, même si, précisément, on fera le contraire : à savoir se laisser aller au plaisir de dévaler ce long continuum truqué mais génialement articulé, grisé par la vitesse, les voltes, les virements. Comment un tel livre est-il possible ? Oh mais c’est très simple, et c’est même dit, ou plutôt écrit noir sur blanc à un moment :
« […] depuis que l’homme pense il rapproche des faits sans lien apparent et trouve le joint avec, le plus souvent, une facilité déconcertante, une fois configurées les données d’un système les signes s’attirent comme des aimants, pour ainsi dire spontanément ; il faut seulement veiller à ne pas l’élargir de trop, le système, car il perdrait à proportion de sa pertinence […]. »
L’ironie du sort, vous l'aurez compris, deviné, voire subsumé, et ce malgré sa folie agglutinante et le vain vortex qu'il vouvoie avec violence, reste éminemment pertinent. De la lecture à l'état paniqué, où même les chichis saignent. Il y est même question d'un clavier (une Underwood de 1924, mais aussi la sémillante Olivetti de Cortazar, modèle Lettera 22) et de cannibalisme (évitez de vous faire prendre en stop par Lee Lucas et Otis Toole), sans parler du plus gros papillon du monde, d'une oie blanche de seize ans, du Recueil complet des étrennes helvétiennes, de la baie du Nunavut et de la chaleur de Samoa. Puissiez-vous dire très vite de ce livre de ce que disait Flaubert à Louise Colet de la trombe de Montville:
"J'en ai entendu causer, discuter et baver tout un hiver, j'en suis saoul."

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Didier da Silva, L'ironie du sort, éd. de l'Arbre Vengeur, 10 €. ATTENTION!!!! Ce livre, qui comporte cent cinquante pages et se présente sous forme d'un ouvrage se conformant au traditionnel format des livres publiés par l'Arbre Vengeur, à savoir  115 mm x 167 mm, ne sortira que le 20 février. Vous devrez donc attendre quelques jours avant d'en faire l'inéluctable emplette. Mais soyez franc : désirer un livre n'est pas si désagréable que ça. Vous adorez ça, en fait. En plus, comme vous venez d'apprendre que Jean d'Ormesson allait entrer dans la Pléiade, ma foi, je crois que vous avez bien besoin d'une petite consolation. Acheter le livre de da Silva sera votre façon de dire au monde: moi j'y crois encore.

P.- S. : Merci à l'éditeur, David Vincent – car pour lui, je vous le rappelle, tout a commencé par une nuit sombre, le long d'une route solitaire de campagne, alors qu'il cherchait un raccourci que jamais il ne trouva. Cela a commencé par une auberge abandonnée et par un homme devenu trop las pour continuer sa route. Cela a commencé par l'atterrissage d'un vaisseau venu d'une autre galaxie. Maintenant, David Vincent sait que les envahisseurs sont là, qu'ils ont pris forme humaine et qu'il lui faut convaincre un monde incrédule que le cauchemar a déjà commencé… – de m'avoir envoyé ce livre.
 


mercredi 12 février 2014

Flaubert et la hantise du renoncement

Les livres trépignent-ils dans des limbes avant de tenter une sortie hors de la matrice imaginative? Peut-on distinguer ces limbes dans d'autres livres? Rêvons d'une archéologie littéraire qui chercherait, dans telle ou telle phrase, l'écho condensé de la musique à venir, l'accord repris et développé plus tard en symphonie. Prenez Flaubert, un des rares écrivains du XIXème siècle à avoir renouvelé presque systématiquement son approche à chaque livre. En apparence, peu de ponts entre Madame Bovary et Bouvard et Pécuchet. Mais relisons le passage suivant, extrait de Madame Bovary, où il est question d'Emma :
"Elle voulut apprendre l’italien : elle acheta des dictionnaires, une grammaire, une provision de papier blanc. Elle essaya des lectures sérieuses, de l’histoire et de la philosophie. […] Mais il en était de ses lectures comme de ses tapisseries, qui, toutes commencées encombraient son armoire ; elle les prenait, les quittait, passait à d’autres."
On trouve là, comme en précipité, ce double mouvement [enthousiasme-déception] qui marque de son risible sceau toutes les entreprises des sieurs Bouvard et Pécuchet. Comme Emma, d'ailleurs, ces derniers "se mirent à étudier la grammaire", avant d'en conclure que "la grammaire une illusion". Comme Emma, ils se mettent à l'étude de l'histoire et à la philosophie. Mais hélas, "toutes ces lectures avaient ébranlé leur cervelle". Et Flaubert de recourir six fois à la même expression: "ils y renoncèrent". Les tapisseries commencées par Emma font d'elle une Pénélope d'un genre nouveau, une Pénélope qui n'a même plus besoin de défaire ce qu'elle a fait: il lui suffit de renouveler sa matière première. Car ces tapisseries valent pour tous les commencements.
On ne s'étonnera donc pas que le commencement soit la grande affaire de Bouvard et Pécuchet, roman où, comme Emma, on "commence", on "essaie", on "se met à" – et ce en permanence. Le "ils essayèrent" s'achèvent systématiquement par un "ils renoncèrent". Que se passe-t-il donc?
"Ils commençaient des raisonnements sur une base solide ; elle croulait ; et tout à coup plus d’idée ; comme une mouche s’envole, dès qu’on veut la saisir." (Bouvard et Pécuchet)
De la tapisserie reléguée dans l'armoire à la mouche qui s'envole. De l'entassement à l'évanescent. Le savoir cesse de s'accumuler; le voilà désormais qui échappe à l'esprit, trop fuyant, volatile. Et à chaque fois, ce que Flaubert fustige, c'est moins la volonté que la nature velléitaire, qui se complaît dans l'esprit d'entreprise mais ne souffre pas les lois de l'endurance.
Le renoncement – que Flaubert rend subtilement sensible dans le cas d'Emma par le passage du passé simple à l'imparfait, comme si la durée, en succédant à l'acte inaugural, entérinait le processus d'abandon –, le renoncement s'impose finalement comme le motif flaubertien par excellence. Il rend compte à la fois de la faiblesse humaine et de la vanité des choses. Mais si, comme l'a écrit lui-même Flaubert:
"Il faut, si l'on veut vivre, renoncer à avoir une idée nette de quoi que ce soit"
il ne saurait en aller de même en écriture, et Flaubert fut toute sa vie confronté à cette hantise littéraire: renoncer. Car le livre, lui, ne vit pas d'idées, le livre ne cherche pas apprendre l'italien ou à tisser une tapisserie. Il sait que les idées sont "reçues" et que le fil est perdu. Le renoncement est ce dont se nourrit le livre, lequel est embarqué dans l'expérience d'un "échouer mieux". Le renoncement est son châtiment avant même sa peine. Le livre n'a plus d'autre issue, alors, que de rire du renoncement – il devient l'armoire aux tapisseries oubliées, la nuée des mouches incertaines. L'ouvrage est cent fois le métier.

lundi 10 février 2014

Copé, un poil mouillé

Cher Jean-François Copé,
Quelle n'a pas été ma surprise en apprenant que tu avais, sans doute pour la première fois de ta vie, ouvert un livre! Bon, après, on m'a expliqué qu'il s'agissait d'un livre pour enfants, ce qui m'a rassuré. Mais quand j'ai su que le livre qui te hérissait s'appelait Tous à poil, j'ai mieux compris. Tu n'as pas envie que tout le monde soit à poil, ça ferait beaucoup de monde, or le bassin n'est pas assez grand, et je sais que tu préfères le calme et la solitude, comme par exemple sur cette chouette photo où on te voit patauger dans la piscine du marchand d'armes Ziad Takieddine. Continue de nous faire rire, surtout. 

Cordialement,
L'Amicale des nudistes poilus et désarmés

Sur les ordres de l'enfer: Les bonnes gens de Laird Hunt

Du nouveau roman traduit de Laird Hunt, Les Bonnes Gens, on dira avant tout qu'il avance non pas masqué mais à vif, quand bien même il repose sur un secret, ou plutôt un silence. Bon, si on lit le quatrième de couverture, on sera aussitôt dépossédé de ce "silence" narratif, qui fait entre autres la force du livre. Silence de Polichinellle, dira-t-on peut-être, mais qui n'en est pas moins puissant. Mais je m'y prends mal. Il faudrait dire plutôt ceci: le silence est le secret de ce livre. Ce qui n'y est pas dit devient, telle la lettre volée, son évidence incandescente. On laissera donc au lecteur le soin – la douleur – de découvrir ce qui est tu, bien qu'évident, d'emblée. Disons que ça se passe aux Etats-Unis, à plusieurs époques, essentiellement dans les années 1850-60, on est dans le Sud, et Linus Lancaster a demandé à la jeune Ginny de venir vivre avec lui et "ses filles". Ginny accepte, tentée par la riche vie terrienne que Linus lui promet, même si le palais décrit n'est qu'une masure où vont bientôt pulluler les porcs et pleuvoir les coups. Plus tard, dans son vieil âge, Ginny – la scarifiée…–  se rappellera cette époque dont elle dira:
"Jadis, j'ai vécu en un lieu peuplé de démons."
Que va-t-il se passer entre la jeune épouse naïve, le propriétaire irascible et "ses" deux filles, Cleome et Zinnia, dont les prénoms-fleurs disent à la fois la fragilité et la ténacité ? Quel est d'ailleurs le sens de ce possessif: "ses" filles. Qui possède qui? Comment peut-on posséder un être humain? Que faire d'un humain qu'on possède? Comment rester humain quand on possède un humain? Comment rester humain quand on est possédé par un humain? La réponse, il faudrait la demander à tous ces porcs qui envahissent de plus en plus les lieux maudits où survit tout ce petit monde, des porcs quasi mythologiques, qui nous rappellent d'antiques métamorphoses, un sort jeté, une malédiction. Le récit s'enfonce alors dans l'ultime cercle de l'enfer. 
Construit selon un motif tressé, oscillant entre plusieurs temps, le roman de Laird Hunt explore les arcanes d'une lente et patiente dévoration. Empreint d'accents faulknériens, secoué par des souvenirs d'un Lear dégénéré, il décrit et exacerbe les mécanismes de la servitude en la trempant dans le bain irréversible de l'hallucination. Tout semble rêvé, tout est tremblé, les cris sont étouffés par une inquiétante quiétude, l'horreur palpite au sein de l'épiphanie, le merveilleux ne cesse de réinvestir la crasse du réel, et pourtant ce n'est pas une fable, les sévices infligés marquent les chairs et les esprits, quelque chose de la nature humaine demeure à jamais enchaîné – et ce sont de vraies chaînes.
Le texte de Laird Hunt, travaillé par une musique extrêmement précise (plusieurs lignes mélodiques, des ritournelles, des motifs, des chœurs, des discordances…), est également modulé par les voix (le chant y a une importance cruciale, dialectique). Les bonnes gens est une tragédie antique traversée par d'impossibles gospels, un livre littéralement hanté, d'où l'Histoire n'a pas besoin de s'éveiller, car le sommeil lui a toujours été interdit:
"Les porcs faisaient un bruit quand on leur dérobait la vie, et ce bruit est demeuré avec moi dans un coin de ma tête. Un porc est un animal sensible. Il sait ce que vous lui faites et il sait pourquoi. Un porc sait observer. Il a vu ce qu'on a fait à ses camarades: il les a vus pendus au soleil pour qu'ils sèchent. Il a mangé les restes de ses frères dans sa pâtée. Un porc vous dira tout net que vous venez à lui sur les ordres de l'enfer et que vous retournerez en enfer, et que, avec vos poches pleines de porc séché, l'estomac plein de couenne grillée, ce sera bien douillet."

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Laird Hunt est actuellement de passage à Paris. Il sera mercredi 12 février à la librairie Charybde pour une rencontre. C'est à partir de 19h30. Un grand moment en perspective. Venez, un point c'est tout.
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Laird Hunt, Les bonnes gens, traduit de l'américain par Anne-Laure Tissut, éd. Actes Sud, 21,80€

vendredi 7 février 2014

Maître Bilger et la parole "libérée"

Quand un magistrat fait part de ses engouements littéraires, comme c'est le cas de Philippe Bilger pour la romancière Françoise Bourdin, ce n'est pas pour parler style, mais pour instruire un procès. D'abord celui de la presse littéraire, celle du Monde en particulier, à qui il reproche un certain mépris pour la littérature populaire (rappelons que F. Bourdin vend à peine moins que Musso et Levy…). Que pourrait bien faire la pauvre Françoise pour avoir droit aux honneurs du Monde? Pas grand-chose, hélas, ainsi que le déplore maître Bilger:
"Même si Françoise Bourdin s'efforçait d'instiller de l'hermétisme et de glorifier l'homosexualité, cela, je le crains, ne suffirait pas."
Bon, là, on voit clairement que ce qui agace cet amoureux des lettres, ce n'est pas le désintérêt du Monde pour les best-sellers, mais leur prédilection pour… l'hermétisme et l'homosexualité. C'est beau, la subtilité, quand même. Ça évite d'être frontal, ça permet de ne pas dire: eh-oh, bande de pédés abscons. Mais tout le monde comprend le message. La litote agite ici sa fière dentelle pour mieux diffuser ses vents brenneux (aïe). Ça permet aussi de dire: non mais dites donc, je suis magistrat, je lis des livres, j'interviewe des humoristes, en plus j'ai le droit de sortir des trucs aussi énormes. Mais Bilger ne manie pas que la litote. Il excelle également dans la peinture de mœurs. On en prendra pour preuve ce portrait qu'il fait d'Alain Soral :
"Parcours contrasté, chaotique, apparentes fluctuations idéologiques mais sous-tendues par une approche jamais banale, toujours provocatrice, à contre-courant, une infinie répugnance à l'égard des poncifs même les plus utiles, les plus bienfaisants, une maîtrise du langage violent dans sa netteté et son art des formules […] un dissident campant sur sa singularité de foudre, d'humeur, d'agression et de discrimination, une nature."
Chaos, flux, passion, solitude, violence, foudre — nature! On pourrait croire qu'il parle de Nietzsche, mais en fait non, il parle bien d'un homme d'affaire franco-suisse et national-socialiste. Et une fois de plus, on retrouve l'imparable et brune rhétorique qui glorifie la singularité des trafiquants de fiel sous prétexte qu'ils ont du panache, voire des couilles. Ça a le mérite d'instiller du compréhensible et de glorifier la virilité. Mais Soral n'est-il pas antisémite? Oui-mais:
"Antisémite affiché, Soral fait preuve sur ce plan d'une déplorable pauvreté intellectuelle en même temps que d'une triste éthique quand il justifie sa position notamment par le fait qu'il était signifiant et révélateur que les Juifs avaient toujours été persécutés et qu'en quelque sorte leurs souffrances venaient d'eux."
Bon sang mais c'est bien sûr! Ce que Bilger reproche éventuellement à Soral, ce n'est pas d'être antisémite, mais de faire preuve de "pauvreté intellectuelle" dans la justification de sa "position" (oui, vous avez bien, lu, l'antisémitisme est une position). Ce qui n'empêche pas Soral de camper dans une "singularité de foudre". Là encore, on n'est pas franchement dans l'hermétisme. 
Bref, quand maître Bilger tient dans son bec un fromage, on n'est tout sauf alléché par son odeur. Et on se dit que, finalement, un des grands mérites du mariage pour tous sera d'avoir contraint les corbeaux à se tailler des plumes entre eux.

jeudi 6 février 2014

L'homme ne court pas les rues: La Nana de Basara

Plusieurs vies en une? Une vie déguisée en plusieurs? En lisant Solstice d'hiver, de l'écrivain serbe Svetislav Basara, on n'a pu s'empêcher de penser à la pièce de Jonas Hassen Khemiri, Nous qui sommes cent, qui se joue jusqu'au 14 février au Théâtre Ouvert. Dans Nous qui sommes cent, trois femmes incarnent trois moments de la vie d'une femme, insouciance, maturité et vieillesse, et bien sûr chacune se demande quand a eu lieu la bascule, s'il est possible de retrouver le nœud et de le faire autrement, ailleurs. La vie telle une harassante traque aux regrets.
Le parti de Basara, lui, est autre, bien qu'en parfait contrepoint, puisque son héroïne, Nana, change bel et bien de vie, ou plutôt brouille les pistes pour qu'on ne sache plus quelle(s) vie(s) elle a eue(s). Nana commence la vie en demi Lolita de l'Est et la finit en star littéraire américaine, au gré d'un parcours erratique et truqué. Qu'a-t-elle voulu laisser derrière elle sinon tout ce qui la définissait? Mais considérer Solstice d'hiver comme une réflexion/variation sur l'identité serait faire fausse route, et l'on comprend très vite, en lisant Basara, que ce qui intéresse l'auteur, c'est de faire pulluler les possibles narratifs jusqu'à brouiller toutes les pistes, sans se priver du merveilleux, de l'improbable, de l'absurde. Et le roman de devenir une machine à produire des fictions comme autant de versos d'un recto insaisissable. Nana empoisonnant son père avec des déchets radioactifs, Nana inventant de toutes pièces l'Avrélie, un pays de l'Est totalitaire, Nana découvrant le stupre avec un moinillon, Nana épousant un milliardaire spécialiste de Shakespeare, Nana poète, Nana posant pour Playboy
Le narrateur cherche à démêler les fils, mais sans grand espoir. Il sait Nana fuyante et fourbe comme un roman picaresque ayant pris des substances illégales. Il est omniscient mais jusque dans l'aveuglement et se nourrit de toutes les contradictions, n'ayant plus guère d'appétence pour la réalité. Basara s'amuse, des codes et des faux-semblants, avec un sens de l'illusion à la Nabokov et un goût pour la vitesse qui rappelle Rodrigo Fresan. Sa Nana est une noria insaisissable, une comète, et son passage incandescent dans le ciel des hommes ne fait que mettre en valeur la noirceur du ciel trop humain qu'elle traverse. Trop humain ou pas assez? Basara a son idée là-dessus. A propos du mari de Nana, Derek Lovejoy (!), humaniste convaincu, le narrateur dit ceci:
"Il soutient fermement la thèse de l'unité de la race humaine. Mais si par quelque hasard le cours de cette histoire avait pris une autre direction, si nous nous étions rencontrés et avions pu discuter, j'aurais avec grand plaisir tordu le cou à son humanisme et pointé le doigt sur de nombreux exemples de bestioles de toute sorte qui s'abritent derrière un masque d'apparence humaine parce que ainsi déguisées elles réussissent mieux dans la vie. Et il ne s'agit pas des seuls mammifères. J'ai rencontré nombre d'amibes, de larves, de mollusques, diverses vermines. L'homme, tel que le voient les humanistes, n'est qu'une illustration de manuel scolaire. Il ne court pas les rues."

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Svetislav Basara, Solstice d'hiver, traduit du serve par Gojko Lukić, éd. Notabilia, 15€

mercredi 5 février 2014

La théorie du genre : la grande terreur des gendres

Regardez-les. Regardez-les s'agiter et tonitruer, trembler et rouspéter. Et de fait, le danger qui menace "notre" société est terrrrrible: il s'appelle depuis quelques semaines "la théorie du genre". On aurait plus vite fait de le rebaptiser "la terreur du gendre", tant il sent la psychose familiale partagée. Et tous les rats de la non-pensée de s'engouffrer dans cette pathétique paranoïa. Non mais écoutez-les, à commencer par Farida Belghoul et Alain Soral en grands fédérateurs des idées brunes, tentant de faire enfler une rumeur débilissime, rumeur reprise bile [sic] en tête par Le Pen Fille : attention, peuple de France, un mystérieux groupuscule baptisé LGBT envoie ses agents dans nos écoles pour diffuser la théorie du genre, autrement dit, à leurs yeux inéducables, l'idée qu'on cherche à saboter les différences sexuelles, à les… brouiller! comme des œufs! des cartes!, des amis!. Tout ça parce qu'ils ont appris qu'on voulait vaguement mettre en garde nos chères têtes blondes contre ces increvables stéréotypes qui pourrissent la vie sociale, et la vie tout court (cf. l'introduction dans quelques classes d'un "ABCD de l'égalité").
Et les Français de découvrir, soudain, ce terrible danger et ce mystérieux groupuscule (sûrement gauchiste non?). Alerte rouge ! Ils veulent faire de vos fils des tapettes et de vos filles des camionneuses! Bref, après le mariage pour tous, le sexe pour n'importe qui. A l'heure où l'avortement est remis en question, on comprend que ce genre d'idéologie boueuse gagne en remous. Bon, heureusement, sur la toile et même dans les journaux, certains prennent la peine d'expliquer ce qu'est – ou n'est pas – la "théorie du genre" et ce que pointe la vigilance du LGBT (L pour lesbien, G pour gay, B pour bisexuel et T pour transgenre).
On a presque envie de rassurer ces raclures qui propagent la peur comme une grande peste, et de leur dire: arrêtez de vous faire du mouron. Regardez ! Partout les acquis du féminisme reculent. Les aiguilles reviennent à la mode! Rassurant, non? La théorie du genre? Du quoi? Bon, vous voulez parlez, je suppose, des "études sur le genre". Mais c'est passionnant, savez-vous. Vous ne savez pas? Ah mais c'est normal. Parce que, autant vous le dire, ici, en France, eh bien ça a du mal à prendre, si ça peut vous rassurer. Car, hein, franchement, vous croyez qu'on fait du lavage de cerveau à nos petiots avec les ouvrages de Andrea Dworkin? Qui ça? Oh, c'est vrai, on n'a quasiment pas traduit cette féministe américaine des années 70 qui, pourtant, a donné de sa personne. Et on n'en est pas encore à rendre obligatoire la lecture du texte de John Stoltenberg, Refuser d'être un homme : Pour en finir avec la virilité, ouvrage datant pourtant de 1989 et seulement traduit aujourd'hui – et qui pourtant ne ferait pas de mal à tous ces châtrés du cervelet qui avance, couille en bandoulière, pour nous faire croire qu'on menace leur viril empire.
C'est bon, les garçons, vous êtes mieux payés, et la nuit quand vous marchez ce sont vos bruits de bottes qui font flipper les femmes, pas le contraire, alors arrêtez de faire comme si Valerie Solanas avait frappé à votre porte en brandissant un cutter.
Le mariage pour tous s'est (légalement) imposé, et on voudrait ne pas dérouler la suite logique de ce bouleversement des mentalités? Genre, oui, on a déjà donné dans l'ouverture en mai 68, mais c'était pour éviter la guerre civile, après on se calme, en principe, non? Eh non, ça ne va pas se calmer. Parce que les féministes, qu'elles soient des femmes, des hommes ou toutes les nuances entre les deux, commencent à en avoir leur claque de l'hypocrisie masculine. Et parce qu'ils et elles, féministes de tous bords, ont compris que sous couvert de vouloir protéger la cellule familiale et la répartition des rôles, l'idéologie masculine continuait de rassembler ses troupes. C'est vrai que ça marche hyper bien la famille hétéro. Une vraie réussite. 
Rassurez-vous, fiers descendants du GUD, ne vous inquiétez pas, chers humoristes ou frelatés écrivaillons (Dieudonnabe ou Marc-Edouard Donné…), renoncez à ces élans de panique: votre pénis n'a pas encore été confisqué, loin de là. On ne vous demande pas encore d'en "finir avec la virilité", juste d'arrêter de confondre liberté d'expression et pestilence buccale. Comment pouvez-vous croire une seule seconde que la (votre) virilité puisse être mise en cause? Cela dit, si vous le pensez, tant mieux. C'est un début. Parce que même une "seule seconde" c'est bien, vu que cette "seule seconde" a bien l'intention de faire le tour du cadran. Alors croisez les doigts, hein, parce que les jambes, eh bien, je crois pas que ça ne suffira pas…

mardi 4 février 2014

Le délit d'accent: Finkielkraut, pébron professionnel

Après avoir entendu les propos du grand panseur Alain Finkielkraut, qui, profitant d'une invitation de l'UMP, a cru bon de s'exprimer sur l'accent des beurs, accent qui n'est pas français selon lui alors qu'ils sont nés en France, on a juste envie citer ces paroles des Fabulous Troubadours:
"L'accent de la télé ne signifie rien
Imposé par les infos il déteint
Tout les pébrons prennent le sien
Oublient le leur, est-ce que ça te convient ?
Complètement aliénés soudain
Face au micro alors il n'y a plus rien
Peur de l'accent qui vient d'où tu viens
Et pourtant il t'appartient."
Que dit, exactement, Finkielkraut ? "Nombre de beurs et de gens même qui vivent dans les banlieues, quelle que soit leur origine ethnique, ont un accent qui n'est plus français tout à fait. […] C'est tout à fait sidérant." Car lui, Finkielkraut, n'a pas d'accent. Pourquoi? Ses parents pourtant en avaient un ! Oui mais lui, non. Comment se fait-ce ? "C'était pas possible que j'aie un accent puisque j'étais né en France." Ah. Effectivement. C'est logique. C'est vrai qu'on ne s'est pas assez penché sur cette question de l'accent comme facteur permettant de repérer les élément rétifs à l'intégration. Il faut donc de toute urgence définir, identifier et promulguer un accent qui soit "français tout à fait". Vaste programme. Heureusement Alain nous a mis sur une piste, cet accent étalon est en fait… un non-accent. Si tu es né en France, en principe, tu n'as pas d'accent, donc un accent tout à fait français.
Le problème quand on écoute parler Finkielkraut, quand il agite la main droite (hasard?) en évoquant la "civilisation française" et "une autre manière de parler" dont il est "interdit" de "dire du mal", le seul accent qu'on perçoit est celui de la bêtise. Pourquoi pas des contrôles d'accent dans la rue, tant qu'on y est? Il semblerait que le mot "verbaliser" ait hélas plusieurs sens…

Bander l'arc: Bertina et les ruades de la bête

Les récits d'élaboration d'un texte sont, au final, assez rares. Souvent, on ne trouve que quelques mentions dans des notes, au fil d'un journal. Que se passe-t-il? Quelles pistes sont perdues, modifiées? Quels échecs ponctuent le "progrès"? Autant de raisons de lire attentivement SebecoroChambord, un journal de résidence, un court mais lumineux texte d'Arno Bertina.
Or donc : à la faveur d'une résidence de trois mois en 2012 au château de Chambord, l'écrivain Arno Bertina, qui a sur le feu un texte intitulé Numéro d'écrou (paru depuis au Bec en l'Air), va profiter de ce trimestre entre les murs (et quels murs!) pour non seulement écrire son livre mais surtout interroger les problématiques qu'il lui pose (c'est un livre sur Idriss, un sans-papier malien originaire de Sebecoro, c'est un livre avec des photos d'Anissa Michalon).
Ecrire sur un projet en cours est compliqué: ça peut menacer jusqu'à l'accomplissement du projet. Mais pour Bertina, "l'écriture est d'abord une façon de se mettre en mouvement", il bougera donc deux fois plus, s'il le faut. Alors il s'interroge: écrire un livre à deux, penser la position de l'immigré, écrire sur un sans-papier malien quand on est dans un château conçu au départ pour François Ier… Bon, le mur d'enceinte de Chambord est long de 32 km, "comme le périph'", lui dit-on, ce qui permet au moins à Bertina de spatialiser et d'opérer des conversions imaginaires. Bertina cherche alors, dans quelques "ailleurs", les moteurs de son écriture, de son rapport à l'écriture, la mémoire, ses grands-parents, etc. Et surtout il se penche sur ce qui lui semble, parfois, des faiblesses dans d'autres de ses textes.
Car l'enjeu, au final, est de taille, puisque la question qu'est en droit de se poser l'écrivain est la suivante: ai-je progressé? Là-dessus, Bertina (qui pense que oui, il a progressé) est clair:
"L'expression est atroce, évidemment – tout comme l'idée que je me la raconte, sans doute –, mais elle désigne autre chose que l'habileté ou le savoir-faire: le sentiment, par exemple, de mieux repérer les fausses notes (plus rapidement, et de manière plus exhaustive); celui d'avoir enfin pris le dessus (mais la bête est encore capable de ruades désarçonnantes) sur la tentation de souligner, motivée par la crainte de ne pas être compris, et – plus détestable ou consternant – le désir que le lecteur ne passe pas à côté de l'intelligence du texte."
Tout cela, Bertina l'appuie par des exemples précis, pris dans ses textes passés et son texte alors en cours. Pas d'impudicité, pas de fanfaronnade à l'envers: juste rappeler que "la phrase n'est pas un écrin pour les mots ou les images, c'est un arc bandé." Donc: comment bander l'arc? comment être sûr qu'on l'a bien bandé? Le doute, le travail, la chasse aux complaisances, l'étude des erreurs, la réflexion permanente sur le travail fait et à faire: impossible d'en faire l'économie si l'on veut "échouer mieux". 
Bertina le dit d'ailleurs assez malicieusement à la fin de sa préface:
"A Chambord je ne me suis pas rasé, le matin, en m'imaginant roi."
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Arno Bertina, SebecoroChambrod, un journal de résidence, éd. domaine national de Chambord/Ciclic, 9€

lundi 3 février 2014

Défense de tirer la langue dans tous les sens

Un fumet soupçonneux enveloppe souvent les écritures qui, à l'œil un peu gourd, semblent repliées sur le langage, comme si seuls les récits ayant digéré l'époque et ses vents – des récits en apparence ouverts sur le réel, tel un gourmand opercule sur la vase – savaient rendre (au sens de "régurgiter") le tempo tenace censé composer notre infra ordinaire.
Le seul fait de penser qu'un texte soi-disant "clos" n'est pas en prise avec cette parodie de réalité où l'on nous contraint à parader est en soi révélateur. Il ne faudrait désormais attendre de la littérature autre chose qu'un malin diorama des frustrations et des luttes par lesquelles nous signifions notre petite présence au monde. Mais comment même oser exiger (attendre?) du travail d'écriture qu'il s'absente de lui-même et dessine, à vastes ou petits traits, comme on colorie ou commente, ce monde qui ne s'avance plus, info / réseau / média aidant, que sous forme pathétiquement langagière? 
Certes, on n'espère plus trop de réalisme de la part des écrivains, mais de grâce! s'ils pouvaient au moins s'affranchir de leurs obsessions d'ivoire, dire un peu quelque chose de ce qui se dit (et se répète), esquisser un centième de ce qui s'agite, eh bien, on leur pardonnerait leur inutilité sociale, n'est-ce pas…
Mais écrire hors la langue, écrire à l'ombre des mots comme on nagerait à l'ombre de l'eau? Ecrire dans un sillon syntaxique mille fois pratiqué ? La grande méfiance qui s'abat sur les écritures qualifiées de vaines / expérimentales / gratuites / en huis clos / fermées / sourdes, cette méfiance est la même qui devait étreindre ces notables ne se reconnaissant pas dans les pliages d'ombres et de barbaque auxquels s'efforçait Rembrandt.
Plus que jamais, on tord le nez devant qui écrit du fond fracturé du langage. Comment, pourtant, en serait-il autrement? L'écrivain a-t-il d'autre "ennemi déclaré" que cette matière même dont il est, politiquement et physiquement, le servant contrarié ? D'autre tâche que celle de découvrir, à même la pertinence de l'échec, ce qu'écrire, non pas veut dire, mais peut faire? S'armer de poétique est plus que jamais nécessaire – et tant pis si ça chagrine ceux qui écrivent comme on récapitule.