mardi 12 novembre 2013

Kabbalerie légère

Pop Yoga? Le titre d'un album inédit des Residents? Le mot de passe enfoui de Philip K. Dick? Une position gnostique dangereuse ? Cherchez encore. Pensez Pacôme Thiellement et vous brûlerez, d'un feu facétieux qui agace les ombres et dérange les grilles. Car le bifide "pop yoga" n'est autre qu'une
"méthode pour accéder à l'union de la divinité par l'étude active des œuvres de la culture populaire".
Autrement dit: comment relire les dits & chants de ces chevaliers crispés dont, bon gré mal gré, nous avons fait les nouveaux croisés de notre sémillante modernité, et tant pis si le Graal est du soda, tant mieux si notre haridelle fait vavavoum.
Dans Pop Yoga, recueil de textes qui paraît ces jours-ci aux éditions Sonatine (dont certains inédits, et d'autres seulement prononcés), Pacôme Thiellement, revisite, en ouroboros attentif, les multiples cas de possession et autres lieux hantés par des quasi stars vite devenus trous noirs. Sa constellation, qu'il maîtrise tel un Bergerac les états de la lune, est constituée des plus vifs et des plus sombres attracteurs: Elvis Presley, John Lennon, Les Residents, David Lynch, Pynchon, Schreber, Pink Floyd, Fantômas, Jarry, Lowry, Burroughs, Fred, Joyce, Zappa, Andy Kaufman, etc. Pop Yoga se veut festin nu pour cannibales lysergiques, exégèse fractale, magic tour du monde des symbioses dangereuses.
Comme s'il réinventait la foule des spectres de l'album Sergent's Pepper, Thiellement fait se croiser et dialoguer mythes et cultures, rituels et sessions, En-Sof et pré-pop. Qu'on se rassure, la Kabbalerie est légère, car la plume de maître Thiellement se rit de la cuistrerie autant qu'elle se méfie de l'analyse définitive. 

Tout commence donc par Elvis, le king au jumeau mort, "comédien de son idéal", devenu à force de déhanchements "le crash-test d'une expérience sur l'humanité". Car l'icône pop, même gavé de substances, a toujours quelque chose à nous dire sur l'enfer. Ainsi en va-t-il, par exemple, de Lowry, dont Thiellement rappelle fort à propos les liens avec Stansfeld Jones (disciple de Crowley), mais dont il a l'intelligence de nous dire:
"[…] Ce qui est surtout curieux avec ce roman, c'est que Malcolm Lowry, en travaillant la matière ésotérique, a finalement produit un parcours de contre-initiation."
Nous invitons toutes les personnes encore vivantes à pratiquer le pop yoga entre deux cures de yoga pop. Ce livre leur ouvrira tout un tas de portes de corne et d'ivoire – qu'on se le dise.
Le lecteur rompu aux exégèses joyeuses et court-circuitantes de Thiellement sera par ailleurs ravi (transporté? comme Timothy Archer ?) d'apprendre que les éditions MF rééditent le scarabique opus de l'auteur Poppermost, considérations sur la mort de Paul MacCartney, dans une "nouvelle édition suivie de textes inédits de Mark Alizart, Claro, Aurélien Lemant, Laure Limongi, Wilfried Paris, Pierre Pigot et Laurent de Sutter, auxquels Pacôme Thiellement a ajouté sa propre contribution".
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Pacôme Thiellement, Pop Yoga, éd. Sonatine, 23 € + Poppermost, éd. MF, 16 €
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Illustration: Kyunghwan Kwon, Concept Drawing, 2010

1 commentaire:

  1. Oh Pacôme, quel éblouissant personnage, quelle verve, quelle érudition, quelle manière bien à lui de nous faire cheminer dans l'obscur les yeux grands ouverts, de rendre à leur secrète évidence les liens les plus improbables...J'ai toujours refermé ses livres avec, à chaque fois, le conscience de ce que je lui dois, dette de celles que Bob Dylan si bien définit naguère: "Don't forget / Everybody must give something back / for something they get"...

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