mercredi 11 septembre 2013

La raison des feuilles : Danielewski, le retour

Je fais encore des cauchemars…
Ainsi commence La Maison des feuilles, premier roman paru en 2002 chez Denoël dans la collection Denoël & D'ailleurs dirigée alors par Héloïse d'Ormesson, et traduit par mes soins. L'auteur – Mark Z. Danielewski – est encore un inconnu, mais son roman, publié aux Etats-Unis en 2000, va vite trouver en France un vaste lectorat composite, réunissant fans de Stephen King et de Thomas Pynchon, pour une expérience de lecture hors normes. Des forums consacrés au livre fleurissent un peu partout, dans le sillage ce qui se passait déjà aux Etats-Unis, multipliant les exégèses, faisant de cette parution un phénomène littéraire à part entière. Un an plus tard sort un livre plus modeste par la taille, qui reprend une partie de la dernière section de la Maison, mais avec de nouveaux développements: Les Lettres de Pelafina. Il faudra cependant attendre 2007 (2006 aux USA) pour que Danielewski nous propose une nouvelle expérience : ce sera O Révolutions, livre encore plus atypique, à deux entrées, écrit pour ainsi dire à 360° sous la magie de nombreuses contraintes.
Entretemps, hélas trois fois hélas, La Maison des feuilles était devenue introuvable. Pour des questions de stock de papier, dixit l'éditeur, une nouvelle réimpression (il y en avait déjà eu trois) tardait. L'ouvrage, de manquant, devint épuisé. On pouvait encore le dénicher sur internet, mais à un prix rébarbatif – ce n'est pas le genre de livre qu'on revend facilement…
Il aura fallu  la parution aux Etats-Unis en octobre 2012 de The Fifty Year Sword pour que, onze ans plus tard, Denoël décide de se remuer et, après avoir retrouvé du papier, de réimprimer La Maison des feuilles les deux livres sortent donc aujourd'hui en librairie, et c'est à l'excellente Héloïse Esquié (traductrice entre autres de Richard Grossman et de Brian Evenson) qu'on doit la version du second, L'Épée de cinquante ans.
Mais L'Epée de cinquante ans n'est pas, stricto sensu, une "nouveauté". Ce livre est tout d'abord paru en langue anglaise en 2005 chez un éditeur néerlandais, De Bezige Bij, tiré à peu d'exemplaires. et accompagné d'illustrations de l'artiste hollandais Peter van Sambeek. Ce n'est que l'an dernier qu'il a fait l'objet d'une plus vaste publication chez Pantheon (en plus d'une édition de luxe, cf. ici). Il faudra sûrement attendre encore quelque temps avant de savoir ce que mijote Danielewski, apparemment embarqué dans un projet assez dingo en 27 volumes, l'histoire d'une gamine qui trouve un chaton…
En attendant, bienvenue dans La Maison des feuilles à qui n'avait pas eu l'occasion d'en pousser les portes infernales. Et gare à l'Épée de cinquante ans: elle est plus tranchante qu'il y paraît…
On vous en recause bientôt…

3 commentaires:


  1. Nommer, encore et toujours nommer: auteurs, livres, encensés, oubliés, revenus - jusqu'au vertige...
    "Le passé n’a pas d’atomes, tout monument est une falsification, chaque nom qui y est gravé entretient non pas la mémoire de quelqu’un, mais celle de son absence. Le message est toujours le même: on peut se passer de nous [*] Les noms font barrage à la vérité du réel. Il vaudrait mieux que nous n’en ayons pas"

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  2. Ouf! Je suis content d'apprendre que Denoël a retrouvé du papier.
    Je n'avais eu l'occasion de lire que les Lettres de Pelafina, et c'était un peu comme regarder l'intérieur de cette fameuse Maison par le trou de la serrure: excitant, mais frustrant.

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  3. Voilà une réimpression qui va faire baisser l'argus des exemplaires d'occasion - certains atteignaient (quand même) les 150 € - ce qui n'est pas plus mal.
    On espère que cette "nouvelle" maison verra naître autant de fondus déchainés qu'il y a - bondedla, déjà ? - 11 ans.

    En passant, titre exact in French de T50YS : L'épée DES cinquante ans (et celle-là, ouaip, elle tranche)

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