mardi 24 juin 2008

Bastard Battle : Beau Brûlot

Céline Minard a écrit Bastard Battle dans le cadre d'un projet intitulé "fictions (des livres bizarres"), initié par Fanette Mellier, en Haute-Marne, pour Dissonnaces/Pôle graphisme de Chaumont, Haute-Marne. Eric Chevillard avait déjà œuvré en ces lieux. Le livre de Céline Minard paraît simultanément en édition graphique limitée (mais trouvable en librairies, entre autres à l'excellent Comptoir des Mots, à Paris, dans le 20ème arrondissement) et surtout chez LaureLi. Ceux qui ont lu R., La Manadologie et Le Dernier Monde ont pu mesurer l'ampleur du talent de Céline Minard. A peine doté de 100 pages, Bastard Battle est bien sûr lus grand à l'intérieur qu'à l'extérieur. On est au XVème siècle, en terre chaumontaise, ça ferraille, y a des donjons, des caparaçons, l'œil ricochette sur les graphies archaïques (cuer, icy, moult, amor, icelle et cetera). Il y a surtout la langue, qui s'auto-cannibalise avec goûtance et furye. Car Minard n'est pas mignarde, elle ne cherche pas à ciseler un petit bijou précieux, elle n'enfile pas le gant médiéval pour que s'y pose le faucon de l'exotique historique. Plutôt, tel Rabelais en son temps, elle réinvente le français de l'intérieur, tannant la langue en peaussière furax, injectant sept samouraïs en terre pré-gaulienne… Cocasse et prompt à la casse, Minard s'amuse et ne perd pas le fil de sa romance braque. On pourrait citer Rabelais, voire les Monty Pythons. Villon. Chiolodenko. Il y a dans ces cent pages une liberté, une fronde, qui font rire d'avance des bibelots bobos qui vont envahir dès fin août les étals à livres. Plaisir de lire un écrivain insaisissable, qui prend des risques, change de vitesse, déconne comme on dit dégaine, et fait mouche comme on dit feu de tout bois. "Et puisque la volonté m'en revient, non point en tant que requis mais en tant que requérant et offensé aux noms de tous les gens par vous occis ou rançonnés, je voius signale que la batalle se fera à cheval, que le cheval sera armé d'un caparaçon d'acier et sa teste couverte d'une testiere d'acier, que sa selle d'acier sera celle d'un destrier pourvu des ailettes portées coutumièrement en temps de guerre, sans aultre accessoire, et les estriers setont déliés." On vous aura prévenu. La rentrée se fera au triple galot, et tant pis pour les mules qui visent les prix ou les têtes de gondole. Prochaine étape: Zone, de Mathias Enard (Actes Sud).

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